Chère lectrice,
Cher lecteur,
Le moins que l'on puisse dire c’est que le mois d’avril n’a pas été un cadeau, et ce pour deux raisons majeures.
Tout d'abord, une météo capricieuse qui a semé son lot de grisaille et d'humidité sur notre parcours, au gré de nos interventions dans des villes telles qu'Orléans, Lille, Montpellier, Paris et Saint-Ouen.
Ensuite, le deuxième motif provient des réactions suscitées par la question épineuse des cadeaux et invitations au sein de certaines sphères professionnelles.
Au cours de ce mois, j'ai eu l'opportunité d'animer plusieurs ateliers de sensibilisation auprès d'acteurs impliqués dans les JO 2024, une expérience que j'ai partagée avec vous dans l'épisode 2 des coulisses de PROBITAS.
Toutefois, l'écho de ces initiatives a été marqué par une surprise inattendue.
Certains m'ont fermement conseillée de ne SURTOUT pas aborder le sujet des cadeaux et invitations lors de nos sessions de sensibilisation ou de formation. Pire encore, ils ont remis en question la nécessité d'établir une politique claire à ce sujet.
Leur argument ?
En cas de contentieux, les parties suspectées de pratiques répréhensibles telles que la corruption pourraient plaider l'ignorance et échapper ainsi à toute responsabilité.
En somme, ils ont jugé mon approche comme étant non seulement risquée mais également dangereuse.
Bien que je reconnaisse la créativité de certaines tactiques de défense, qui ont pu par le passé porter leurs fruits, mon expérience et ma connaissance du terrain me poussent à maintenir ma position.
Que ce soit en tant qu'ancienne directrice juridique d'une association de lutte contre la corruption ou en tant que dirigeante d'une société de conseil spécialisée dans la prévention, je reste convaincue que feindre l'ignorance ne peut être une stratégie durable.
Deux raisons majeures sous-tendent cette conviction :
d'une part, le principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi ;
d'autre part, l'élan croissant de la compliance qui touche désormais les secteurs privés et publics, obligeant les acteurs à intégrer la prévention des risques de corruption dans leurs processus internes.
Je préfère aborder cet échange avec sagesse, reconnaissant qu'il reste encore un vaste chantier à entreprendre pour modifier les mentalités, tant du côté des individus exposés au risque corruption que de ceux qui sont chargés de les conseiller.
Je vous laisse avec ce témoignage issu de mon dernier atelier de sensibilisation qui a pour mérite de trancher le débat sur l'utilité de mon action sur les cadeaux et invitations.
PS : Un lecteur attentif m’a informée qu’en raison de la longueur de la newsletter, certaines boîtes mail n’affichaient pas le texte en intégralité. Pour aller au bout et ne rien rater veillez à bien cliquer sur le lien pour poursuivre la lecture.
Merci encore pour votre suivi. 💘
Farah Zaoui
1. Affaires
2. Dans les prétoires
3. Prévention, transparence et conflit d’intérêts
4. Paroles d’experts
5. Outils culturels
📌 Cette rubrique se focalise sur les affaires qui ont été révélées le mois passé ou qui ont fait l'objet de d'analyses dans la presse.
⚠️ Les affaires reportées dans cette section portent sur des faits qui n'ont pas encore été tranchés de manière définitive par une juridiction compétente. En conséquence, les personnes citées sont toutes présumées innocentes.
En France 🇫🇷
Une magistrate de laCour d’appel d’Agen, Hélène Gerhards, a été placée en garde à vue le mercredi 3 avril 2024, dans le cadre d’une enquête portant sur ses liens présumés avec un membre du banditisme corse, Johann Carta. L’enquête concerne notamment la construction, la rénovation et la location de l’ancienne villa de la juge à Pietrosella, sur le Golfe d’Ajaccio.Cette dernière a finalement été libérée sous contrôle judiciaire le 17 avril 2024.
Elle demeure mise en examen pour divers chefs d’accusation, incluant le recours en bande organisée au service de personnes exerçant un travail dissimulé, le blanchiment, le trafic d’influence actif et passif, le faux en écriture publique par personne dépositaire de l’autorité publique, l’usage de ces faux ainsi que le détournement de fonds publics (en savoir plus).
Une administratrice du bailleur social Toulon Habitat Méditerranée, a été placée sous le statut de “témoin assisté” dans une affaire de trafic d’influence. Les policiers de la division criminalité organisée spécialisée mènent l’enquête sur un trafic d’obtention indue de logements sociaux (en savoir plus).
Un policier est suspecté d’avoir introduit des téléphones portables et de la drogue au Centre de Rétention Administrative (CRA) de Vincennes (94). Ce dernier aurait reçu 200 € à chaque “passage” pour remettre ces articles à des personnes hébergées dans le CRA. Après son interpellation et sa garde à vue, il a été placé sous contrôle judiciaire. Il est temporairement interdit d’exercer tout emploi dans la fonction publique. Il sera jugé pour corruption passive et trafic de stupéfiants en septembre 2024 (en savoir plus).
L’affaire de corruption impliquant Thierry Fourcassier, l’ancien maire de Saint-Jory (31), a connu ce mois-ci un nouveau développement avec la mise en examen d’un deuxième apporteur d’affaires. Cette personne est accusée de corruption active et de blanchiment. L’enquête, qui continue de faire la une des journaux, met en lumière les soupçons de corruption qui pèsent sur l’ancien maire et son entourage, qui auraient perçu des sommes sur leurs comptes bancaires en provenance d’apporteurs d’affaires agissant pour des promoteurs. Un d’eux a été libéré après une détention provisoire, tout en restant sous contrôle judiciaire (en savoir plus).
Rachida Dati, ministre de la Culture, a porté plainte contre Jean-Dominique Senard, le président du conseil d’administration de Renault, pour entrave à la justice et omission de témoigner en faveur d’un innocent. Cette action en justice fait suite à l’enquête sur les prestations de conseil de Dati auprès de l’ex-PDG de l’alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn, pour laquelle elle a été mise en examen pour “corruption passive”, “trafic d’influence passif” et “recel d’abus de pouvoir” depuis 2021 (en savoir plus).
Parallèlement à cette nouvelle actualité judiciaire, Libération a révélé que Rachida Dati aurait touché 800 000 euros comme avocate d’Orange pendant son mandat européen (en savoir plus).
Gilles d’Ettore, le maire d’Agde (34), a été mis en examen le jeudi 21 mars 2024 pour «prise illégale d’intérêts et corruption» et placé en détention provisoire. Il est soupçonné d’avoir détourné de l’argent public et favoriser le recrutement d’agents au sein de sa commune ou de l’agglomération en échange de prestations de voyance. La médium, au cœur de cette affaire hors du commun, a également été placée en détention provisoire (en savoir plus).
De plus, Thyl Zoete, le directeur régional de la société Eiffage-Route pour le Languedoc-Roussillon, qui avait été mis en examen et incarcéré le 30 mars dernier pour corruption, est sorti de prison sous contrôle judiciaire. Il est accusé d’avoir payé, par un jeu d’écritures comptables, la réalisation d’une véranda d’un montant de 45 000 € au domicile de la voyante, à la demande du maire d’Agde Gilles d’Ettore (en savoir plus).
Un ancien policier a été condamné à quatre ans de prison ferme pour corruption. Il avait été révoqué de la police en mai 2021 après avoir été mis en examen pour diverses infractions, dont le trafic de stupéfiants, la corruption, le détournement de données de fichiers, le détournement de scellés et la violation du secret de l’instruction (en savoir plus).
Henri Proglio, ancien PDG d’EDF, est visé par une nouvelle enquête pour des soupçons de corruption et d’abus de biens sociaux. Cette enquête a été ouverte fin 2022 suite à un signalement de Tracfin, la cellule de renseignement financier rattachée au ministère de l’Économie. Les infractions visées sont la corruption, le blanchiment de corruption, l’abus de biens sociaux et le blanchiment de fraude fiscale (en savoir plus).
Sylvain Boyer, le créateur de l’emblème des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, a déposé une plainte contre le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques de Paris (COJOP) et l’agence de communication1. Il les accuse de favoritisme, prise illégale d’intérêts, contrefaçon et recel. Ce dernier estime avoir été écarté frauduleusement au profit de l’agence W Coran, sous prétexte d’un nouveau marché élargi (en savoir plus).
Édouard Philippe est visé par une enquête pour prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics, favoritisme et harcèlement moral. L’enquête a été lancée par le Parquet national financier en décembre 2023 suite à une plainte déposée par l’ancienne directrice adjointe de la communauté urbaine du Havre. Elle accuse Edouard Philippe d’avoir contourné les règles de passation des marchés publics pour l’exploitation de la Cité Numérique du Havre. Malgré les allégations, Philippe maintient sa certitude de n’avoir commis aucune illégalité et exprime son soutien total aux fonctionnaires de la communauté urbaine (en savoir plus).
Assani Saindou Bamcolo, le maire de Koungou (Mayotte), et son directeur général des services, Alain Manteau, ont été placés en garde à vue le samedi 13 avril 2024. Ils sont suspectés de favoritisme, prise illégale d’intérêt, détournement de fonds publics et recel de ces infractions. Ces infractions sont liées aux modalités de passation des marchés publics par la municipalité (en savoir plus).
Franck Le Bohellec, l’ancien maire de Villejuif (94), comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Créteil le 16 mai prochain pour trafic d’influence et favoritisme dans l’affaire de la Halle des sports. Il est accusé d’avoir aidé un promoteur à décrocher le marché public de la Halle des sports Colette- Besson et ses 150 logements en 2015. Six autres personnes sont également poursuivies, dont son ancien directeur général adjoint et le promoteur du projet, Demathieu et Bard Immobilier (en savoir plus).
Stéphane Ravier, sénateur des Bouches-du-Rhône et membre du parti Reconquête, est sous le coup d’une enquête pour prise illégale d’intérêts. Le parquet a requis cinq ans d’inéligibilité contre lui. Cette affaire concerne des soupçons de malversations financières liées à son mandat de conseiller municipal de Marseille. La décision finale sera rendue par le tribunal correctionnel de Créteil (en savoir plus).
Le Grand Prix de Formule 1, organisé entre 2018 et 2022 sur le circuit Paul-Ricard (Var) par le groupement d’intérêt public “GPF-le Castelle”t, présidé par Christian Estrosi, accuse une dette de plus de 32 millions d’euros et a été placé en liquidation judiciaire. Le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour “favoritisme” et “détournement de fonds publics” (en savoir plus).
Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a effectué un voyage au Japon du 8 au 15 mars 2024, organisé par l’agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises.
Ce voyage, ayant pour objectif la promotion d’entreprises industrielles de la région, a soulevé des questions sur sa transparence. En particulier, un dîner “fastueux” dans un restaurant étoilé à Tokyo avec 150 dirigeants d’entreprises français et japonais, et une partie du voyage réalisée dans une station de ski. Les opposants socialistes et écologistes du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, après un premier scandale sur les révélations faites sur le coût de l’organisation du « dîner des sommets », ont demandé plus de transparence sur ce déplacement (en savoir plus).
A l’international 🌎
Alors que le conflit russo-ukrainien se poursuit, des soupçons de corruption de députés européens par un réseau d’influence russe ont éclaté.
En effet, des représentants de l’extrême droite européenne, notamment allemands et français, sont soupçonnés d’avoir reçu de l’argent de la Russie dans le cadre d’un réseau d’influence (en savoir plus).
Au Pérou, six des dix-huit membres du gouvernement ont démissionné sans donner de raison précise, à la suite d’une perquisition réalisée chez la présidente qui est soupçonnée de corruption. Cette démission massive survient dans un pays déjà miné par la corruption de ses élites politiques (en savoir plus).
Nosiviwe Mapisa-Nqakula, l’ancienne présidente du Parlement en Afrique du Sud, a été inculpée pour treize chefs d’accusations, dont des soupçons de corruption et de blanchiment d’argent. Elle est accusée d’avoir reçu d’importantes sommes d’argent d’un contractant militaire lorsqu’elle était ministre de la Défense de 2014 à 2021 (en savoir plus).
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, est sous le feu des critiques en raison de la nomination controversée de l’eurodéputé conservateur allemand Markus Pieper, chef de la délégation de la CDU-CSU au sein du Parti populaire européen (PPE), dont von der Leyen est également membre, à un poste de conseiller hautement rémunéré.
Les eurodéputés ont demandé à la Commission européenne de renoncer à cette nomination et ont majoritairement approuvé un amendement – non contraignant - appelant à annuler la nomination de ce dernier et à lancer une nouvelle procédure (en savoir plus).
Luis Rubiales, l’ancien patron du football espagnol, a été convoqué par la justice pour être entendu le 29 avril dans une affaire de corruption liée à des contrats passés par la Fédération espagnole de football. Cette enquête porte notamment sur les conditions encadrant la réalisation du contrat de délocalisation de la Supercoupe d’Espagne en Arabie saoudite (en savoir plus).
Georges Marsan, le maire de Monaco, est de retour en mairie après avoir été placé en garde à vue en décembre pour corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêt et association de malfaiteurs. Malgré son retour, il reste sous contrôle judiciaire et à l’interdiction de fréquenter certains commerçants de la ville (en savoir plus).
🎯 On continue avec un petit tour d'horizon des affaires audiencées ou jugées en France ce mois-ci.
⚠️ Les jugements recensés ne sont pas tous définitifs. Ces derniers pourront être infirmés en appel ou annulés en cassation. En l'absence de condamnation définitive, les personnes poursuivies sont donc présumées innocentes.
Didier Robert, l’ancien président de la Région, est sous le coup d’une enquête pour des emplois présumés fictifs au sein de son cabinet. La procureure Véronique Denizot a requis une peine de 12 mois de prison avec sursis, 5 ans d’inéligibilité, une amende de 50 000 euros et une interdiction d’exercer toute fonction publique. Jean-Louis Lagourgue, ancien 1er vice-président de la Région, est également visé par une amende de 10 000 euros pour prise illégale d’intérêt. D’autres prévenus, dont Yves Ferrière et Yoland Velleyen, font face à des peines de prison avec sursis, des amendes et des privations de droits civiques (en savoir plus).
Jean-Louis Missika, ancien adjoint de la mairie de Paris à l’urbanisme a été condamné à une amende de 90 000 euros et à deux ans d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts a sens de l’article 432-13 du code pénal, communément appelé le “pantouflage”. En effet, après son mandat, Monsieur Missika a travaillé deux grands groupes immobiliers privés, pour lesquels il avait eu à connaître de dossiers avec sa casquette d’élu parisien (en savoir plus).
Nicolas Best, l’ancien directeur du CHU de Nîmes, est accusé de favoritisme et de corruption passive. Son procès, qui avait été suspendu, devrait avoir lieu fin août 2024 devant le Tribunal correctionnel de Paris. Nicolas Best est soupçonné d’être intervenu dans l’attribution de marchés publics alors qu’il dirigeait l’hôpital d’Annecy puis celui de Nîmes. Il avait appris son limogeage en plein procès en novembre 2023 (en savoir plus).
Anders Besseberg, ancien dirigeant du biathlon mondial pendant plus de 25 ans, a été condamné à trois ans et un mois de prison par la justice norvégienne pour corruption aggravée entre 2009 et 2018. Besseberg, âgé de 78 ans, a été reconnu coupable d’avoir accepté des montres de luxe, des prostituées et des parties de chasse offertes par des officiels russes. Cette décision intervient dans un contexte de recrudescence des cas de corruption et de dopage dans le sport international de haut niveau, à l’aube des JO de Paris 2024 (en savoir plus).
L’ancien directeur de Sciences Po Aix,condamné pour délivrance de faux diplômes
Christian Duval, l’ancien directeur de l’Institut d’études politiques (IEP) d’Aix-en-Provence, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour avoir délivré de faux diplômes. Cette affaire avait failli valoir à l’école son expulsion du prestigieux réseau « Sciences Po ». Duval et son adjoint sont soupçonnés d’avoir vendu à près de 765 étudiants des formations estampillées « Science Po », comme des « masters d’études politiques », alors qu’elles étaient en réalité dispensées par des organismes extérieurs qui pouvaient les facturer jusqu’à 8.000 euros (en savoir plus).
François Fillon, ancien Premier ministre et ex-candidat à l’élection présidentielle de 2017, a été condamné par la Cour d’appel de Paris dans l’affaire dite du “Penélope Gate”. En mai 2022, il avait été condamné à quatre ans de prison dont trois avec sursis par la Cour d’appel de Paris. La Cour de cassation vient de confirmer définitivement la culpabilité de François Fillon. Un troisième procès aura lieu concernant les peines prononcées (en savoir plus).
📌 Dans cette section nous abordons les dispositifs mis en place pour prévenir la corruption ainsi que les mouvements notables d'anciens responsables publics vers le privé et inversement.
A l’occasion des élections européennes de juin 2024, Anticor présente 12 propositions éthiques pour améliorer la confiance dans la vie démocratie européenne (en savoir plus).
130 magistrats financiers spécialisés appellent à mieux considérer la lutte contre la délinquance financière
Un collectif de 130 magistrats financiers a publié une tribune dans Le Monde, le 8 avril 2024, appelant à une meilleure dotation pour la justice financière.
Ils soutiennent que la lutte contre la délinquance financière est un investissement vital pour la démocratie et l’État de droit (en savoir plus).
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